La guerre en Irak ou comment effacer la mémoire d'un peuple
« Les troupes américaines n'ont pas seulement négligé de protéger les
sites historiques et les biens culturels, elles ont participé
elles-mêmes à ces exactions. Elles ont bombardé l'université de Bagdad,
qui date du XIIIe siècle, transformé le site d'Ur en base militaire,
creusant même des tranchées dans le sol. Les chars américains roulent à
travers les vieilles rues de Babylone, un acte symbolique de vainqueur.
».
Zainab Bahrani, PR d'Histoire de l'Antiquité à l'université de Columbia (New York) 2004
Zainab Bahrani, PR d'Histoire de l'Antiquité à l'université de Columbia (New York) 2004
Depuis
la première invasion des forces de la coalition en 1991, une
destruction sytématique et organisée du patrimoine irakien, berceau de
la civilisation est organisée.
« Les troupes
américaines n'ont pas seulement négligé de protéger les sites
historiques et les biens culturels, elles ont participé elles-mêmes à
ces exactions. Elles ont bombardé l'université de Bagdad, qui date du
XIIIe siècle, transformé le site d'Ur en base militaire, creusant même
des tranchées dans le sol. Les chars américains roulent à travers les
vieilles rues de Babylone, un acte symbolique de vainqueur. ».
Zainab Bahrani, PR d'Histoire de l'Antiquité à l'université de Columbia (New York) 2004.
Zainab Bahrani, PR d'Histoire de l'Antiquité à l'université de Columbia (New York) 2004.
Les archéologues et
historiens du monde entier s'apitoient sur le destin de l'inestimable
patrimoine culturel irakien et reprochent aux forces
américano-britanniques de ne pas avoir protégé des pillages les
célèbres sites et musées, alors que tous les puits de pétrole du pays
ont été sécurisés. Cela, alors que les articles de la Convention de la
Hague de 1954 et la Convention de l'UNESCO de 1970 obligent les forces
occupantes à protéger les biens culturels.
Plus de 2 années aprés l'invasion, les déclarations de Jacques Chirac, qualifiant de "Crime contre l'humanité"
la mise à sac de l'Irak, n'étaient donc pas de simples gesticulations
anti-américaines. Tout en admettant que le coût humain d'une guerre est
toujours plus important que ses conséquences matérielles, l'archéologue
McGuire Gibson souligne que "ce qui est aussi menacé est une part importante de l'héritage culturel mondial".
Voici quelques exemples de ce qu'il est désormais convenu d'appeler un véritable génocide culturel
Voici quelques exemples de ce qu'il est désormais convenu d'appeler un véritable génocide culturel
- La grande
Université de Bagdad,la Moustansirya, bâtie au 13e siécle bien avant
toutes les universités européennes, et l'une des plus prestigieuses du
monde arabo-musulman a été trés endommagée, ainsi que sa célèbre
horloge astronomique.
- La légendaire cité
de Babylone qui avait tellement impressionné l'historien grec Hérodote,
a été tout bonnement transformé en camp militaire occupé par les
troupes polonaises depuis septembre 2003
- Pendant le conflit
de 91, le musée de Bassorah a été saccagé. Plus de 4.000 pièces ont
disparu de différents musées, dont ceux de Mossoul, Karbalah et
Bassorah, selon Monir Bouchenaki, directeur adjoint de la culture à
l'UNESCO.
- Plus de 1/2
millions de sites archéologiques sont potentiellement menacés par les
dégats occasionnés par l'occupation anglo-américaine.
- Les archives
ottomanes qui témoignent de l'histoire du pays depuis le 15e siecle
sont en périls. Aprés l'incendie de 2003, une grande partie
d'entre-elles ont été arrosées et sont en train de pourrir.
- A Falloudjah, la ville "aux cents mosquées", aucun édifice religieux n'a été épargné par les bombardements intensifs.
Les récits
d'archéologues, historiens, journalistes ou même humanitaires se sont
multipliés ces derniers mois et témoignent d'un pays dont la mémoire
s'apprête à être totalement effacée.
Des dommages et des responsabilité passés sous silence
Devant la destruction
de ce patrimoine de l'humanité, le silence des médias et des politiques
est assourdissant. Celui de l'ONU est presque ahurissant. Le fait est
que Le plus vieil État du monde a été dépossédé de l'essentiel de ses
trésors archéologiques et artistiques sous le regard impassible des
forces de la Coalition.
Cependant, alors que
ces événements ont été présentés par les agences de presse
états-uniennes comme une conséquence du chaos dans lequel le pays est
plongé, des personnalités internationales n'ont pas tardé à dénoncer
une vaste opération de spoliation organisée par un groupe de marchands
d'art occidentaux. Ils dénoncent avec indignation un groupement créé
en 1994, l'American Council for Cultural Policy (ACCP), qui, selon le New York Times,
a négocié avec le département d'État et le département de la Défense
états-uniens avant le début du conflit pour assouplir la législation
qui protège l'Irak de la spoliation de son patrimoine historique. Le
but aurait été de pouvoir exporter d'Irak des antiquités, commerce
interdit depuis la fin du mandat britannique, en 1924, par une loi,
renforcée en 1975.
Le fait est que les
plus éminents archéologues avaient prévenu la Coalition des risques de
vols aux conséquences désastreuses. Des spécialistes états-uniens
avaient été reçus au Pentagone bien avant le début des combats afin de
sensibiliser les militaires à « la probabilité des pillages de sites
historiques », identifiant les sites sensibles à protéger. « Ils étaient informés. Tout ça aurait pu être évité »
dénonce Jeremy Black, spécialiste de l'Irak antique à l'université
d'Oxford. Mais de manière paradoxale, malgré les mises en gardes
adressés par des experts internationaux, rien n'a été entrepris pour
empêcher le hold-up de musées. Lors du saccage du Musée National de
Bagdad, dont 80 % des quelques 150 000 pièces ont été dérobées, selon
Moayyed Saïd al-Damergi, conseiller de l'ancien ministre de la Culture.
« Les chars américains étaient stationnés devant l'entrée
principale du musée, lorsque les pillards l'ont mis à sac sous le nez
des soldats », affirme M. Damergi, professeur d'Archéologie à l'université de Bagdad, rapporte une dépêche AFP, « nous
avons demandé de l'aide aux soldats pour s'opposer aux pillards, mais
ils nous ont répondu qu'ils n'avaient pas d'instructions pour
intervenir ».
Le professionnalisme
des pillages prouve qu'ils ne peuvent être le fait de la seule
population irakienne. Si des citoyens ordinaires y ont sans doute pris
part, tout semble indiquer que des professionnels du marché de l'art
antique y ont également participé. Donny George, directeur de recherche
et d'études au Musée National Irakien de Bagdad, est convaincu que les
voleurs étaient des professionnels. Dans une déclaration à l'AFP, il
affirme « que [les pillards] n'ont pas touché aux copies, ils ont volé les originaux. C'est une opération de vol organisé ».
Le directeur de ce même musée parle, lui, de complicités internes, les
pillards ayant mis la main sur les œuvres les plus précieuses alors que
celles-ci avaient été placées en chambre forte au début des
bombardements sur Bagdad. Selon The Independent, les
ordinateurs du Musée National de Bagdad, qui contenaient le recensement
des collections, ont été vandalisés au point que l'on ignore encore à
l'heure actuelle si les informations stockées sur les disques durs sont
récupérables ou non. La disparition de ce recensement compliquerait
singulièrement les dispositifs visant à empêcher la revente des œuvres
sur le marché international. Autrement dit, des professionnels
n'auraient pu mieux faire.
Des conséquences à long terme désastreuses pour le peuple Irakien
Les
conséquences de ce pillage organisé se situent dans le long terme.
Quand l’Irak tournera la page de la guerre, le pays devra ouvrir celle
de reconstruction. Mais comment reconstruire un pays, un Etat, une
Nation, si l’on ampute ses habitants d’un passé aussi prestigieux. Où
peut aller un peuple qui a perdu les principaux repères de sa mémoire ?
Comme un amnésique, il risque d’avancer dans le temps, craintif et
replié sur lui-même, en proie aux doutes et à toutes les influences. En
faisant table rase du passé, les Américains quant à eux, alliés à leurs
multinationales, se frottent les mains et se distribuent les dividendes
de la reconstruction. N’ayant plus à se soucier de préserver le
patrimoine irakien ou ce qu’il en reste, il y a fort à parier que dans
quelques années ils transforment ce pays en une grande ville
américaine, pleine de lumières, mais sans âme.....
a suivre...